La TVA, c’est probablement l’impôt le plus discret et le plus rentable de l’histoire fiscale française. Vous la payez tous les jours sans même y penser, elle représente près de la moitié des recettes fiscales de l’État, et pourtant elle reste ce truc mystérieux que personne ne comprend vraiment jusqu’au jour où on lance son entreprise. Là, d’un coup, on découvre qu’on est devenu collecteur d’impôt bénévole pour Bercy, qu’il faut facturer de la TVA, la récupérer, la déclarer, la reverser, et que le moindre oubli peut vous coûter une pénalité de 10% assortie d’intérêts de retard. Bienvenue dans le monde merveilleux de la taxe sur la valeur ajoutée, où vous faites le boulot de l’administration fiscale sans être payé pour ça.
Le principe de base est simple : la TVA est un impôt sur la consommation que vous ajoutez au prix de vente de vos produits ou services. Vous facturez 100 euros hors taxes à votre client, vous ajoutez 20 euros de TVA, il paie 120 euros. Ces 20 euros ne vous appartiennent pas, ils appartiennent à l’État, et vous devez les reverser. Sauf que vous avez le droit de déduire la TVA que vous avez vous-même payée sur vos achats professionnels. Si vous avez acheté pour 60 euros HT de fournitures avec 12 euros de TVA, vous ne reversez que 8 euros à l’État. C’est pour ça qu’on parle de taxe sur la valeur ajoutée : vous ne payez la TVA que sur ce que vous avez ajouté comme valeur dans la chaîne économique. Le fournisseur a déjà reversé sa part, le distributeur reversera la sienne, et ainsi de suite jusqu’au consommateur final qui, lui, la paie en entier sans pouvoir la récupérer. C’est brillant, efficace, et totalement invisible pour le grand public qui ne voit qu’un prix toutes taxes comprises.
Maintenant, rentrons dans les détails qui fâchent. Il n’existe pas une seule TVA en France, mais plusieurs taux selon la nature de ce que vous vendez. Le taux normal de 20% s’applique à la majorité des biens et services : informatique, conseil, vêtements, électronique, restauration sur place. Le taux intermédiaire de 10% concerne la restauration à emporter, les transports, certains travaux de rénovation, l’hébergement hôtelier. Le taux réduit de 5,5% couvre l’alimentaire de base, les livres, l’énergie pour les logements, les produits d’hygiène féminine depuis quelques années. Et il existe même un taux super-réduit de 2,1% pour les médicaments remboursables et la presse. Si vous vendez plusieurs types de produits ou services, vous devez appliquer le bon taux à chaque ligne de facture, et croyez-moi, c’est là que ça devient sportif. Un traiteur qui livre un repas avec boissons alcoolisées facture à 10% pour la nourriture et 20% pour l’alcool. Un libraire qui vend un livre numérique applique 5,5% pour le contenu et 20% pour le support si c’est une liseuse. Amusez-vous bien.
La question qui revient systématiquement quand on démarre une activité : est-ce que je dois facturer de la TVA ? Tout dépend de votre régime fiscal. Si vous êtes en micro-entreprise et que vous restez sous les seuils de franchise en base de TVA, soit 37 500 euros de chiffre d’affaires pour les prestations de services et 85 000 euros pour la vente de marchandises, vous ne facturez pas de TVA et vous ne la récupérez pas non plus. Vos prix sont TTC d’office, et vous devez mentionner sur vos factures la mention « TVA non applicable, article 293 B du CGI ». C’est simple, c’est propre, mais ça devient problématique si vos clients sont des entreprises qui voudraient récupérer la TVA sur vos prestations. Un client en B2B préfère souvent payer 120 euros avec TVA récupérable que 100 euros TTC non récupérable, parce qu’au final ça lui coûte 100 euros dans les deux cas, mais dans le premier il peut déduire les 20 euros. C’est pour ça que beaucoup d’entrepreneurs renoncent volontairement à la franchise en base dès qu’ils travaillent principalement avec des professionnels. Vous pouvez d’ailleurs opter pour le paiement de la TVA même si vous êtes sous les seuils, en envoyant un courrier au service des impôts des entreprises. L’option est irrévocable pendant deux ans, donc réfléchissez bien avant.
Quand vous facturez à l’international, les règles changent complètement. Si vous vendez à un particulier dans l’Union européenne, vous devez facturer avec votre TVA française jusqu’à un certain seuil de vente par pays, au-delà duquel vous devez vous immatriculer à la TVA du pays de destination. Si vous vendez à une entreprise européenne, vous facturez hors taxe avec la mention « autoliquidation », à condition que votre client vous fournisse son numéro de TVA intracommunautaire valide, ce fameux numéro qui commence par le code pays suivi d’une série de chiffres et qui permet de vérifier que votre client est bien immatriculé dans son pays. Si vous vendez hors Union européenne, c’est encore plus simple : vous facturez hors taxe, point final. Le client se débrouille avec la douane et la TVA de son pays. Mais attention, ces règles ne s’appliquent qu’aux prestations de services immatérielles. Si vous expédiez physiquement des marchandises, c’est une autre histoire avec des déclarations d’échanges de biens, des DEB, des seuils, bref un cauchemar bureaucratique que je ne développerai pas ici pour préserver votre santé mentale.